"Amour", Palme d'or méritée d'un palmarès conservateur

 

C’est la panique dans les rédactions. Mais quelle est donc la nationalité de la Palme d’or 2012 ? Tournée en France, avec des acteurs français parlant français, "Amour" est l’œuvre – sublime – de Michael Haneke, un réalisateur… autrichien. Après moult arguments et hésitations, c’est le juré Jean-Paul Gaultier qui, au détour d’une phrase lors la conférence de presse post-palmarès, finira par trancher : "aucun film français n’a reçu de prix cette année". C’est noté.

 

Pas de "cocorico" de joie donc pour ce sensible portrait des deux vieux époux au crépuscule de leur vie (formidables Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva) qui constitue une Palme méritée d’un palmarès dans l’ensemble décevant et conservateur. La plupart des réalisateurs récompensés cette année l’ont en effet déjà été lors d’éditions précédentes. Le grand gagnant de la soirée a d’ailleurs officiellement rejoint le club très fermé des réalisateurs deux fois primés à Cannes (son baptême avait eu lieu en 2009 pour "Le Ruban blanc").

 

 

 

Comme on se retrouve...

 

Récipiendaire du Grand Prix pour "Reality", l’Italien Matteo Garrone était parti de Cannes en 2008 avec le Prix du Jury. Etonnant choix des Sages que d’honorer cette poussive critique de la télé-réalité. Un acte patriotique de la part du président du jury, Nanni Moretti ? Le Mexicain Carlos Reygadas, le lauréat du prix de la mise en scène pour son expérimentale (mais pas déplaisante) et controversée curiosité "Post Tenebras Lux", avait aussi reçu le Prix du Jury en 2007. Et on ne compte plus les distinctions attribuées à Ken Loach. Six ans après sa Palme d’or pour le très académique "Le vent se lève", le Britannique s’est vu décerner le Prix du Jury pour sa comédie aux forts relents de bourbon "La part des anges".

 

Le lauréat 2007 de la Palme d’or, le Roumain Cristian Mungiu, fait quant à lui coup double. Sa douloureuse et épuisante charge anti-religion "Au-delà des collines" lui a valu, étrange choix, le prix du scénario, et une récompense pour ses deux actrices Cristina Flutur et Cosmina Stratan, toutes deux débutantes. Chez les hommes, c’est Mads Mikkelsen, ex-méchant du James Bond "Casino Royale" qui rafle la mise pour son interprétation impeccable d’homme broyé par la rumeur dans "The Hunt" de Thomas Vinterberg.

 

Mads Mikkelsen, heureux lauréat du Prix d'interprétation masculine pour son rôle d'homme bafoué de "The Hunt". (crédit : Mehdi Chébil)

 

L'Amérique et la France boudées

 

Un palmarès très largement européen qui boude donc le cinéma américain. Aucun des six films retenus pour ce 65e Festival de Cannes n’a pu gratter un prix. Au micro de France 24, Nanni Moretti a avoué ne pas avoir aimé les représentants US de la compétition. On regrettera que l’inventivité de Wes Anderson, auteur du facétieux "Moonrise Kingdom" n’ait retenu son attention. Lot de consolation, c’est un jeune cinéaste venu des Etats-Unis qui remporte la Caméra d’or. Avec ses "Bêtes du Sud sauvage", Benh Zeitlin, 29 ans, remporte le prix qui récompense le meilleur premier film présenté hors et en compétition.

 

Mais les plus grands oubliés de ce palmarès 2012 sont français. Rien pour le convaincant mélo "De rouille et d’os" de Jacques Audiard (toute la journée de samedi, il se murmurait que Marion Cotillard recevrait le prix d’interprétation). Rien non plus, attention coup de gueule, pour le mystérieux Leos Carax.

 

Les gagnantes Cristina Flutur et Cosmina Stratan entoure le réalisateur roumain Cristian Mungiu, dont "Au-delà des collines" a remprté le prix du scénario. (crédit : Mehdi Chébil).

 

Cinéaste qui peine à se débarrasser du qualificatif "maudit", le Français repart une nouvelle fois bredouille de la Croisette. "Injustice !", hurlons-nous tant le souffle, le panache, la liberté et l’ironie de son "Holy Motors" avait illuminé la compétition. Dommage pour cette formidable déclaration d’amour au cinéma. Mais le jury a préféré un autre amour.

 

C'est donc amers, frustrés et les traits tirés que nous ponctuons ces 12 jours passés dans les salles de cinéma et de rédaction de ce pluvieux 65e Festival de Cannes. Et quelque peu déçus de n'avoir pu davantage profiter des joies de la Côte d'Azur que notre chauffeur de taxi nous avait tant vantées lors de notre arrivée sur les lieux : les plages de galet, les boîtes de nuit branchées et, bien sûr, le Marineland d'Antibes. Mais, promis, nous reviendrons voir les orques danser. En vrai.

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