Et Nicole Kidman consterna la Croisette

 

 

Commençons par l’essentiel. Ou tout du moins par ce que Twitter semble avoir retenu de "The Paperboy", présenté jeudi en compétition. Oui, à un moment, la star Nicole Kidman urine sur l’autre star Zac Efron. Pas de quoi fouetter un chat : l’actrice américano-australienne essaie seulement de calmer les douleurs du playboy qui vient de se faire piquer par un banc de méduses. Le gag n’a rien de nouveau ; les frères Farrelly l’ont déjà exploité. Dans la salle pourtant, la scène a été accueillie par des souffles d’exaspération. Lesquels se sont métamorphosés en franches huées une fois le rideau tombé.

 

Matthew McConaughey écrit dans les journaux, Zac Efron les livre.

 

Comment expliquer ce rejet quasi unanime du troisième film de l’Américain Lee Daniels ? Une mauvaise humeur due au décevant niveau de la compétition ou une aversion épidermique envers le réalisateur, dont le boursoufflé mélo "Precious" avait laissé les critiques français, comment dire, perplexes… "The Paperboy" ne se prend pas suffisamment au sérieux pour mériter tel déchaînement d’acerbes critiques (certains qualifient d’ores et déjà Daniels de "pire réalisateur de l’histoire du cinéma").

 

Théâtre du sordide "white trash"

 

Dans la lignée des vieux films noirs hollywoodiens, en plus trash, le quatrième film américain de la compétition ne cesse de se moquer de lui-même et de son intrigue aussi épaisse qu’une feuille de papier journal. Résumons : à la fin des années 1960, une énigmatique femme fatale (Nicole Kidman) d’une petite ville de Floride fait appel à deux reporters (Matthew McConaughey et David Oyelowo) et à un livreur de journaux (Zac Efron) pour innocenter un chasseur d’alligators condamné à mort (John Cusack). Pas franchement original.

 

 

 

 

La pseudo enquête policière n’est en fait qu’un fallacieux prétexte pour embarquer le spectateur dans le Sud des Etats-Unis. Dans ce théâtre du sordide "white trash" où l’on possède des domestiques noires, dépèce des alligators et torture les homosexuels, Lee Daniels s’en donne à cœur joie, fonce tête baissée dans le torride (voir ce face-à-face masturbatoire peu courant au cinéma), verse dans l’outrance (la fameuse miction de Kidman), jamais dans l’outrancier.

 

On se gardera toutefois de ranger "The Paperboy" parmi les comédies, tant il échappe à tous les genres. Thriller foutraque poisseux et joyeusement surchargé, polar glauque sur fond de tensions sexuelles et raciales, désopilante fantaisie à la lisière du burlesque... Mais le film ne jouirait sûrement pas de cette sympathique décontraction sans les performances à la limite du cabotinage de ses comédiens ultra-connus. Nicole Kidman en paumée peroxydé et John Cusack en psychopathe au regard bovin en font des tonnes mais leur prestation est excellente. Zac Efron, en slip, et Matthew McConaughey, en costard-cravate, sont convaincants. Et la chanteuse Macy Gray en domestique mi-sœur mi-confidente est bluffante. Bref, on adhère.

 

Le "Paperboy" Zac Efron, la "femme fatale" Nicole Kidman, le "journaliste" Matthew McConaughey. (crédit : le photographe Mehdi Chébil)

 

Dilemme cornélien

 

Applaudir ou huer, séance du matin ou de rattrapage, champagne ou jus de goyave ? A Cannes, il faut savoir trancher. Tel est le pénible quotidien des festivaliers. Mercredi soir, par exemple, nous avons longuement hésité entre une plongée de deux heures dans la compétition officielle, avec le long-métrage mexicain "Post Tenebras Lux", ou une fraîche escapade d’un peu plus d’une heure à la Quinzaine des réalisateurs, avec le français "Rengaine".

 

Alléluia, la "twittosphère" a fini par nous libérer du dilemme. Alors que la première projection du film de Carlos Reygadas vient de s’achever, le public livre ses impressions à chaud : "suicide artistique", "coup de cafard", "incompréhensible, prétentieux, interminable", ou encore "repentir doloriste et absurde chez les bobos échangistes : on pourrait dire que Reygadas touche le fond". Merci mesdames, merci messieurs, c’est tout vu, on fonce à la sélection parallèle. Et tant pis pour le plus grand pitre du cinéma mexicain, dont le film "Lumière silencieuse" avait reçu le Prix du jury en 2008.

 

Au coeur de l'expérience "Post Tenebras Lux" avec Nathalia Acevedo.

 

Après sept jours d’une compétition mettant aux prises des œuvres toutes plus léchées les unes que les autres (à quelques exceptions près), ce n’est pas sans un certain plaisir que nous nous rendons à la projection de "Rengaine". Bricolée avec trois francs six sous, la première fiction de Rachid Djaïdani aurait demandé, nous dit-on, neuf ans de travail. Le film semble pourtant avoir été tourné à la va-vite, comme dans l’urgence.

 

Pour Slimane (Slimane Dazi), il y a effectivement urgence. Sa sœur Sabrina (Sabrina Hamida), arabe, musulmane, a décidé de se marier avec Dorcy (Stéphane Soo Mongo), noir, chrétien et acteur amateur. Une provocation aux yeux de l’aîné de la famille qui va courir Paris afin de persuader ses 39 frères (oui, oui) de faire capoter l’union.

 

Slimane Dazi, aîné d'une fratrie exagérément pléthorique de 40 frères.

 

Séduisant conte moderne sur les préjugés et les détestations intercommunautaires, "Rengaine" saisit sur le vif les nerveux échanges (pour la plupart improvisés) entre la future mariée et une pléthorique fratrie répétant le même refrain : "une Arabe musulmane ne peut pas se marier avec un Noir chrétien". Successions de vannes à l’emporte-pièce et de violents coups de gueule, la petite chanson du jeune réalisateur français (par ailleurs romancier et animateur télé) pourrait être un "Roméo et Juliette" de trop. Il en est un de plus, dont la vivacité et la sagacité vaut qu’on prête une attention particulière à son auteur. Prometteur.

 

 

 

A lire et écouter sur RFI :

-Sur Culture vive : Rachid Djaïdini présente "Rengaine" à la Quinzaine des réalisateurs

-"Post Tenebras Lux", le Sodome et Gomorrhe de Carlos Reygadas

 

 

 

 

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1 Comments
macy gray n'est pas une "rappeuse".

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