"Cosmopolis", la laborieuse traversée de New York
Elle est célèbre, bien carrossée et occupe une place centrale dans deux des films en compétition. Et pourtant, personne ne la verra monter les marches. Nous avons nommé la limousine.
Transformée en loge d’artiste dans le réjouissant "Holy Motors" de Leos Carax, la longue voiture, teint blanc et vitres teintées, sert de bureau, d’alcôve et de sas de décompression au "golden boy" cynique du laborieux road-movie embouteillé "Cosmopolis" de David Cronenberg (d’après le roman du même nom de Don DeLillo).
Dans un New York paralysé par les embouteillages, le beau, riche et jeune Eric Packer (Robert Pattinson, froid) demande à son chauffeur de l’emmener chez le coiffeur. Voilà pour la plutôt plaisante idée de départ. Mais à peine le moteur se met-il à vrombir, qu’on sent déjà le piège se refermer derrière nous. Enfermés dans la luxueuse "limo", nous voilà contraints d’assister aux longues conversations philosipho-cosmologiques que le multimilliardaire tient tour à tour avec ses collaborateurs, sa riche héritière d'épouse (Sarah Gadon, séduisante), sa maîtresse galeriste (Juliette Binoche), son docteur (l’occasion d’une amusante scène de toucher rectal), son coiffeur et un entarteur mégalomane (Mathieu Amalric, cabotin). Le tout sur fond de krach boursier, d’émeutes anti-capitalistes et d'ambiance pré-apocalyptique.
Pâle et froid
Au panthéon des pompeuses sorties entendues à bord du véhicule : "Mourir est un scandale, mais on meurt quand même", "le temps est une denrée qui se raréfie" et "le capitalisme détruit le passé pour construire le futur". Mouais. Le coup de grâce est porté avec une longue scène finale (22 minutes !), plus théâtre que cinéma, durant laquelle on apprend - attention "spoiler" - que le jeune homme aurait évité la banqueroute s’il s’était fié à… sa prostate (cf. la scène du toucher rectal sus-mentionnée).
D'ordinaire avare en sourires, Robert Pattinson semble heureux de sa présence à Cannes aux côtés du réalisateur David Cronenberg. (crédit : Mehdi Chebil)
Mais que diable Cronenberg est-il allé faire dans cette limousine ? Pourquoi donc a-t-il fait appel au pâle et froid Robert Pattinson (à peine revenu de son rôle de vampire dans "Twilight") pour interpréter le jeune héros auto-destructeur de Don DeLillo. Pourquoi a-t-il jeté son dévolu sur un roman qui semble bien loin de son cinéma. Réalisateur qui ausculte d’ordinaire avec finesse les maux et les transformations du corps ("La Mouche", "Crash", "eXistenZ") et de la tête ("Spider", "A Dangerous Method"), le Canadien paraît bien mal à l’aise avec ce jus de cerveau, dont on imagine mal d’ailleurs qu’il rende tout à fait justice à l’œuvre du prolixe romancier américain. "Cosmopolis" se lit sûrement mieux qu’il ne se regarde.
Royal canin
Allégeons-nous donc l’esprit avec le prix que les lecteurs de "60 millions d’amis" attendent chaque année avec fébrilité, la fameuse Palm Dog. Ce vendredi, soit deux jours avant la Palme d’or, la distinction qui honore la meilleure prestation canine dans un des films présentés sur la Croisette (toutes compétitions confondues) a été décernée aux deux terriers Banjo et Poppy pour leur rôle de fidèle compagnon dans "The Sightseers", long-métrage du Britannique Ben Wheatley sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs.
Le chien Billy Bob, compagnon de route punk de Benoît Poelvoorde dans "Le Grand Soir".
Les punks à chien sont à la fête. Le Grand Prix du jury (composé de réalisateurs) a été attribué à Billy Bob, le Jack Russel du crêté Benoît Poelvoorde dans "Le Grand Soir" du duo grolandais Benoît Delépine-Gustave Kervern.
A défaut d’une vraie palme, les successeurs d’Uggie, le Jack Russel muet de "The Artist", ne sont pas venus chercher leur récompense, un collier de faux diamants, flanqué du drapeau britannique. Une absence que les photographes de la presse animalière ne parviennent toujours pas à digérer.
A lire et à écouter sur RFI :
-"Dans la brume", des images profondes comme une forêt
-Les interviews payantes créent la polémique à Cannes
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