Panique, surmoi et enfants échangés à la naissance... Cannes sur le divan
C’est en dehors des salles de projection qu’en ces premiers jours de Festival, la Croisette connaît le plus d’agitation. À croire que, bientôt, Cannes comptera davantage de "faits-diversiers" que de critiques de cinéma.
Après le retentissant vol de bijoux commis dans la nuit de jeudi à vendredi dans le chic Suite Novotel, un homme, "vraisemblablement déséquilibré" selon la police, a semé la panique, jeudi, aux abords du plateau de la populaire émission "Le Grand Journal" après avoir tiré deux fois en l’air avec un pistolet à grenaille.
Sûr que le Palais des Festivals aimerait connaître pareil tumulte. D’applaudissements, entendons-nous bien. Car c’est un accueil plutôt froid que la presse a réservé, vendredi, au pourtant très prenant "Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines)", du Français Arnaud Desplechin, qui concourt pour la Palme d’or.
Peut-être les journalistes comptaient-ils sur le bruit et la fureur verbale qui ont fait la réputation du réalisateur ("Rois et reine", "Un conte de Noël") pour se réveiller ? Malheureusement pour eux, c’est un Desplechin apaisé qui a tourné ce qui constitue son premier film américain. Si le cinéaste paraît si sage, mais pas moins intéressant, c’est qu’il n’a aucun compte personnel à régler. Dans "Jimmy P. ", il n’est question ni de lui ni de ses anciennes petites-amies ni de sa famille. Mais d’un homme aux antipodes du petit monde germanopratin qu’on reproche si souvent aux réalisateurs français de scruter à la loupe.
Far west fantasmé
Celui que Desplechin convoque sur le divan se nomme Jimmy Picard (Benicio del Toro), un Amérindien alcoolique pris d’étranges malaises depuis son retour de la Seconde Guerre mondiale, pour lequel l’anthropologue français Georges Devereux (Mathieu Amalric), dont l’œuvre a inspiré le film, va endosser le rôle de psychanalyste.
Jamais nous n’aurions soupçonné être si aisément captivé par le surmoi d’un Indien des plaines, dont le principal problème est, semble-t-il, son difficile rapport aux femmes. Pour nous épargner l’ennui, le long-métrage est soumis à un rythme qui alterne les séances en face-à-face d’un certain classicisme et le prenant récit des souvenirs et des rêves que le patient fait à son psy.
Arnaud Desplechin et son fidèle acteur Mathieu Amalric (crédit : Mehdi Chébil)
En fait, la vraie réussite du film tient moins au duo inédit que forment le Portoricain Del Toro (tout en sobriété) et le Français Amalric (légèrement cabotin en érudit mi-clown, mi-grave) qu’à la vision fantasmée de ce Far West, fait de ranchs, de tipis et de dangereux ours bruns, qui hante le film. Magnifiques décors des grands espaces qui ne sont certainement pas étranger au fait qu’on se croirait parfois chez Clint Eastwood. Même sans les cow-boys.
Le film japonais est un long fleuve tranquille
Moins passionnant, "Tel père, tel fils" de Hirokazu Kore-Eda n’a pas, lui non plus, provoqué un déluge de réactions enthousiastes. Également en lice pour la prestigieuse récompense, cette histoire d'une famille apprenant que leur fils unique a été, il y a six ans de cela, malencontreusement échangé à la maternité, divise la Croisette. Touchant et juste pour les uns, simpliste et longuet pour les autres (que nous sommes), le film du Japonais a ceci pour lui, selon des critiques, qu’il aborde un univers susceptible de plaire à Steven Spielberg, le président du jury.
On est pourtant loin de l’évocation angoissée du monde de l’enfance qui transpire dans l’œuvre du réalisateur de "L’Empire du soleil" et de "Cheval de guerre". Film mignonet - qui ne trouve pas les enfants adorables ? -, "Tel père, tel fils" fait en effet partie de ces long-métrages qui ne disent jamais plus que ce qu’ils ne montrent.
Le dilemme auquel sont confrontés les parents (de qui sont-ils le père et la mère ? doivent-ils échanger leurs enfants ?) se déroule paisiblement sans surprise ni anicroche, mais avec beaucoup de pleurnichardes notes de piano (merci Jean-Sébastien Bach). Les deux familles, l’une aisée et un peu froide, l’autre modeste et très chaleureuse, sont dépeintes à si gros traits qu’il devient difficile de s’y attacher. Un tel sujet aurait sûrement gagné à plus d’aspérité pour laisser l’émotion transparaître. Mais peut-être ne sommes nous qu’un cœur de pierre.
Sur le même thème, on préfèrerait presque la comédie "La vie est un long fleuve tranquille", qui avait au moins le mérite d’être drôle. Et puis y’a Patrick Bouchitey qui chante "Jésus revient" en tenue de curé…
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