Couples en crise et braquage de luxe, les premières déceptions de Cannes

 

Les festivaliers ont cette fâcheuse tendance à s’offusquer. Lorsque le soleil, jusqu’alors timide, pointe le bout de son nez, ce n’est plus la météo qui trouble leur humeur mais le prix irraisonnable d’un café vite avalé en terrasse ou de la pizza quatre fromages, qui, nous ne sommes pas dupes, n’en compte que trois.


Mais rien ne les agace plus qu’un film qu’ils jugent ne pas être à la hauteur de leurs espérances. C’est le cas de deux long-métrages présentés en ce début du 66e Festival de Cannes.

 

  • "Le Passé", c’était mieux avant


Internationalement reconnu depuis l’Oscar du meilleur film étranger décerné à ce chef d’œuvre de dramaturgie qu’est "Une séparation", Asghar Farhadi se devait d’être présent cette année sur la Croisette. D’abord parce que Cannes était, jusqu’à présent, toujours passé à côté du réalisateur iranien ("Une séparation" fut primé à Berlin). Ensuite, parce que son nouveau long-métrage, "Le Passé", en lice pour la Palme d’or, a été tourné en France avec, à la distribution, deux valeurs sûres du cinéma hexagonal rompus à la montée des marches, Bérénice Bejo et Tahar Rahim.


Une question taraudait toutefois les critiques. Fin observateur d’une société iranienne embourbée dans ses contradictions, Asghar Farhadi allait-il réussir son passage en terrain inconnu ? Pas vraiment.

 

 

 

 

 


Faisons les fines bouches : "Le Passé" constitue la première déception de cette compétition dont nous nous félicitions du démarrage en trombe. Déception car, jugé à l’aune des œuvres qui l’ont précédé, le sixième film du Persan s’enfonce parfois dans les sables mouvants de son intrigue à tiroirs.

 

Eloigné de ses terres, Asghar Farhadi semble en effet s’être accroché aux branches de son sujet d’élection : la mécanique du couple. Et celle qui régit le ménage formé par Marie-Anne (Bérénice Bejo) et Samir (Tahar Rahim) dans "Le Passé" finit, elle aussi, par s’enrayer. Le grain de sable s’appelle Ahmad (Ali Mosaffa), tout droit venu de Téhéran pour régulariser son divorce avec Marie-Anne. De retour à Paris après quatre années d’absence, le futur ex-mari se retrouve à jouer le médiateur du conflit qui oppose son ancienne épouse et sa fille, Lucie (Pauline Burlet).

 

Bérénice Bejo, Asghar Farhadi et Tahar Rahim (crédit : Mehdi Chébil)

 

Metteur en scène hors pair des tensions familiales, Asghar Farhadi fait montre une fois de plus de sa parfaite maîtrise des ressorts dramatiques se multipliant au gré des révélations. Sur une affaire relevant de l’intime, il échafaude un récit confinant à l’enquête policière dont le but est de déterminer qui, de tous les protagonistes, est à l’origine du marasme qui menace cette famille recomposée. Lucie qui n’accepte pas la présence sous son toit de Samir ? Samir qui se montre peu conciliant avec Marie-Anne ? Marie-Anne qui maltraite Ahmad ? Ahmad qui peine à rompre avec son passé ?


Malgré les très convaincantes prestations de Tahar Rahim et de Bérénice Bejo, à qui "Le Passé" offre son premier grand rôle dramatique, la surcharge de confidences et révélations finit toutefois par perdre le spectateur dans l’espace clos des cuisines et des chambres à coucher où sont délivrés les secrets. Comme si le socle français sur lequel le réalisateur iranien a greffé son histoire ne lui était pas assez familier pour réussir un grand film.

 

  • "The Bling Ring", chic et toc

Il arrive parfois que, sur la Croisette, la fiction rattrape la réalité, pour reprendre une formule qu’affectionne les rubriques "faits divers". Le vol, dans la nuit de jeudi à vendredi, de près de 1 million de dollars de bijoux Chopard censés habiller des stars lors de la montée des marches rappelle furieusement les méfaits commis par les nantis voyous de "The Bling Ring", autre déception de ces premiers jours du Festival.

 

 

 


Sa présence dans la section Un certain regard nous avait mis la puce à l’oreille. Après la présentation en ouverture de la sélection parallèle, nous pouvons l’affirmer : le cinquième long-métrage de Sofia Coppola est loin d’être le meilleur de sa pertinente filmographie.

Inspiré de faits réels, "The Bling Ring" emprunte son nom à une bande d’adolescents des quartiers huppés de Los Angeles dont le passe-temps favori était de s’introduire dans des villas de stars afin d'y dérober quelques-unes de leurs plus précieuses possessions.

 

Aux commandes de ce gang de groupies-cambrioleurs : l’insolente Rebecca (Katie Chang), mauvaise fréquentation entraînant dans son sillage Mark (Israel  Broussard), jeune homosexuel en manque de confiance, et Nicki, fashionista faussement naïve interprétée avec facétie par l’ancienne camarade de jeu d’Harry Potter, Emma Watson.

 

Israel Broussard, Claire Julien et Emma Watson (crédit : Mehdi Chébil)


Avec cette histoire, aussi légère et clinquante qu’un petit sac à main Dolce & Gabbana, Sofia Coppola n’affiche clairement pas les mêmes ambitions que ses précédents films, qui abordaient avec davantage de mélancolie le monde de la célébrité ("Lost in translation", "Somewhere"). Passée du côté des fans, c’est avec une décontraction déroutante qu’elle aborde son sujet d’étude. Ni  critique de la société du spectacle, ni exposé sociologique sur les Américains ultra-privilégiés, "The Bling Ring" est un objet pop sans prétention qui finit toutefois par tourner en boucle. Au même titre que les samples des standards du hip-hop américain que les groupies-cambrioleurs écoutent toutes baffles hurlantes dans leurs cabriolets, la plupart volés, bien entendu.

 

Hormis ces illégales escapades qu’elle photographie allègrement pour alimenter Facebook, l’insouciante bande peine à diversifier ses activités. Très vite en manque de matière, le film s’étire en nombreux ralentis et bégaie les mêmes séquences d’essayage d’habits volés et de virées nocturnes cocaïnées. Jusqu’à ce que les autorités compétentes viennent mettre fin à cet interminable manège. Les leaders du gang seront finalement condamnés à de la prison ferme. Les voleurs cannois, aujourd’hui détenteurs des joyaux de la maison Chopard, savent à quoi ils s’exposent.

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