La plaisante surprise "Gatsby le Magnifique" ouvre le bal cannois

 

Les grandes marques qui organisent chaque soir du Festival de Cannes des soirées qu’elles souhaitent les plus courues de la Croisette peuvent d’ores et déjà remballer leurs boules à facettes. C’est entendu, la plus fastueuse de toutes les fêtes s’est tenue ce mercredi, premier jour de la quinzaine.

 

Champagne et spiritueux coulant à flot, danseurs professionnels se déhanchant frénétiquement sur du Jay-Z façon Charleston, convives éméchés plongeant dans une piscine taille olympique, ténors de la culture et de la finance déblatérant sous les lumières d’un dispendieux feu d’artifice… Qui oserait en effet prétendre pouvoir concurrencer la débauche de moyens déployée lors des bacchanales de Gatsby le magnifique ?

 

 

 

 

Cette prodigalité avait en tout cas tout pour plaire à l’Australien Baz Luhrmann, auteur d’une adaptation azimutée du "Roméo et Juliette" (1996) de William Shakespeare (un sacré morceau déjà) et de la tout aussi surchargée comédie musicale "Moulin Rouge" (2001). Davantage pour le pire que le meilleur, pouvait-on craindre.

Sur le papier, et dans la bande-annonce, tout était en effet réuni pour rebuter le spectateur peu enclin à goûter les surenchères visuelles et sonores du cinéaste australien. Préposée au lancement des hostilités cannoises, son adaptation en - inutile - 3D du chef d’œuvre de Francis Scott Fitzgerald ne mérite certes pas de figurer en compétition mais a au moins le mérite d’assurer sa mission de film d’ouverture.


Gourmandise sucrée avant mets délicats

Parce qu’il s’est un peu assagi, Baz Luhrmann offre une version pour le moins plaisante de ce roman américain culte de l’entre-deux guerres. Une petite gourmandise certes un brin bourrative en certains endroits mais qui permet au festivalier d’attendre paisiblement l’arrivée des mets plus délicats annoncés dans le menu cannois.

 

S’il s’était permis de grandes libertés avec "Roméo et Juliette", le cinéaste s’est, cette fois-ci, employé à ne pas trop s’éloigner de son modèle. Tout du récit original a été soigneusement conservé : fraîchement diplômé de Yale, Nick Carraway (le timide Tobey Maguire) monte à New York pour y travailler dans la finance. Installé dans une modeste demeure de la riche banlieue new-yorkaise, le jeune homme a pour voisin un beau et millionnaire trentenaire du nom de Jay Gatsby (le convaincant Leonardo DiCaprio), dont les somptueuses réjouissances n’ont d’autre but que de reconquérir le cœur de son ancienne amante aujourd’hui mariée, Daisy Buchanan (la fade Carey Mulligan).

 

Là où la grandiloquence de Baz Luhrmann pouvait s’avérer fatigante dans ses précédents films, pour "Gatsby le magnifique", son abus de travellings à travers les larges espaces parvient assez bien à capter la démesure et l’insouciance de l’élite américaine des folles années 1920. Comme s’il avait bien pris note des reproches qu’on lui a auparavant adressés, Baz Luhrmann s’amuse même avec sa propension à en rajouter. Lorsqu’il joue la carte du grotesque rococo, il y va franc du collier. Comme pour mieux se prémunir du ridicule. Dans le genre kitsch, la première apparition sourire ultra-bright de Leonardo le magnifique lors d’une de ses homériques réceptions vaut tout de même son pesant de Ferrero Rocher… De même, on s’amusera des références distillées ça et là tout au long du film, tel ce clin d’œil, très appuyé, au "Titanic", dont on se souvient qu’il immergea définitivement Leonardo DiCaprio dans le monde de la célébrité.

 

Mais là où le réalisateur se montre le plus convaincant, c’est dans son approche très théâtrale des scènes-clés du récit. Vaudeville-opérette tournant à l’aigre, son "Gatsby le magnifique" gagne en épaisseur au fil des joutes verbales à huis clos auxquelles se livrent les protagonistes sous l’œil fasciné du narrateur, Nick Carraway. Ce sens de la mise en scène bien orchestrée trouvera son point d’orgue au cœur de Manhattan, dans une chambre du luxueux Hôtel Plaza, théâtre d’une magistrale et ultime algarade entre Gatsby, Daisy et son mari coureur trompé (l’excellent Joel Edgerton). Las, à la faveur d’un dénouement tragique, le film finira par rapidement retomber dans ses pires travers…

 

On saura toutefois gré au réalisateur de nous avoir épargné une lecture contemporaine de l’œuvre de Fitzgerald. De s’être abstenu d’avoir pris prétexte de la grandeur et de la décadence de Jay Gatsby pour décrire la crise que traverse aujourd’hui un Occident en proie à l’austérité et à la récession.

Crise qui, d’ailleurs, ne semble pas avoir encore atteint les côtes françaises de la Méditerrannée. À voir les nombreux pavillons et boîtes de nuit temporairement installés sur la plage de Cannes, on se dit que la fin de la récré n’est pas près d’être sifflée.

 


Crédits photos Tobey Maguire et Leonardo DiCaprio-Carey Mulligan : Mehdi Chebil

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1 Comments
Même et surtout dans mon plus bel apparat, dans les sommets de mes gloires ou mes plus belles écritures, j'ai toujours gardé cet esprit critique sur toutes les choses que j'aime dans ma vie, au point tel que tout ensuite me parait si inutile dans mes lendemains, et au point si fort qui me semble si vrai, qu'immédiatement je me remettais à tout recommencer sur des pages comme dans mes nuits blanches... et c'est alors que je commençais à regarder cet autre que moi, qui arrivait à survivre sa vie, celle que jamais je n'avais imaginé tant elle fut futile et que jamais encore aujourd'hui je n'oserai vivre tant mon destin grave ma chair, et encore à ce point tel, que je me rends compte que je suis incapable de changer ma vie, mais changer mon esprit et mon regard me suffit, et cela est bien.

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