Journée au calme avant le marathon cannois

En ce jour d'ouverture du Festival de Cannes, les traditionnels guetteurs de stars ont déjà établi leur base devant le Palais des Festivals. Sous le généreux soleil cannois, ils sont plusieurs dizaines d'inconditionnels, casquette vissée sur la tête, à attendre le coup d'envoi de la compétition qui sera officiellement donné par "Moonrise Kingdom" de Wes Anderson (voir bande-annonce ci-dessous). Certains sont venus de loin.

 

 

 

 

 

 

"Des stars qui font le show"

 

Elodie, 27 ans, et sa soeur Julie, "bientôt 18", n'ont pas hésité à parcourir en voiture les 1200 kilomètres qui séparent Lille, leur ville, de la Croisette, où elles espèrent bien arracher quelques prestigieux autographes. Mais, surtout, "voir ce qu'on ne peut pas voir au quotidien". C'est-à-dire du glamour. "Il y a un truc mythique avec le Festival de Cannes. Petite, je le suivais à la télé, maintenant je me rends sur place", lance l'aînée, huit festivals au compteur. Qu'attendent-elles de l'édition 2012 ? "Comme chaque année, des grandes stars américaines qui font le show." Des noms ? "Bruce Willis, Edward Norton, Tim Roth...", égrènent-elles. Plutôt vieille garde, les demoiselles. Et le couple "Twilight" formé par Robert Pattinson-Kristen Stewart, il compte pour du beurre ? "Oui, pourquoi pas, ça changerait." Mouais, passons.

 

Julie et Elodie sont venues de Lille pour assister, chaque jour, au rituel de la montée des marches.

 

Les deux jeunes filles espèrent simplement que les étoiles hollywoodiennes sauront jouer le jeu des poses et des paraphes. Pas comme Mel Gibson qui, l'an passé, "n'a rien signé" ou encore Sean Penn "qui s'était carrément barré". Pour les chasseurs de vedettes, il est une année que, secrètement, on aimerait revivre. Une édition référence à l'aune de laquelle on juge toutes les autres. Celle de 2007 lorsque, pour la cérémonie de clôture, le casting de "Ocean's 13" de Steven Soderbergh avait défilé au grand complet sur le tapis rouge. Imaginez : George Clooney, Brad Pitt, Al Pacino, Andy Garcia, Matt Damon, Casey Affleck... "Et Don Cheadle", complète Julie.

 

"L'aura cannoise"

 

A l'intérieur du Palais des Festivals, dans la salle de presse internationale, l'ambiance est plus studieuse. Moment de calme avant la tempête. Venu de San Diego, Californie, Glenn Heath Jr., 31 ans, a dressé la liste des films qu'il recensera pour "L Magazine" et le site Internet IndieWire. Tel un coureur de fond, le critique a prévu de voir, en moyenne, cinq films par jour. Un rythme que nombre de journalistes peuvent se permettre de suivre grâce à une bonne dose de caféine et d'amour pour le 7e art. "Cannes jouit d'une véritable aura cinéphilique, observe notre marathonien américain. C'est ici que la saison des festivals commence. C'est à Cannes qu'on donne le ton de ce qui va sui Venise et Toronto. Pouvoir assister au début de ce cycle est vraiment excitant pour n'importe quel critique ou programmateur."

 

 

 

 

 

Alors qu'attend-il de cette 65e édition cannoise ? Parmi les titres qu'il ne raterait sous aucun prétexte : "Killing Them Softly" d'Andrew Dominik - "son précédent film, 'L'Assassinat de Jesse James', est l'un de mes films préférés - mais aussi "Like Someone in Love" d'Abbas Kiarostami, "In Another Country" d'Hang Sang-soo et "Cosmopolis" de David Cronenberg. Merci Glenn, mais les Français dans tout ça ?

 

Loin d'être fan des fictions hexagonales en compétition en 2011, le critique se veut plus indulgent cette année. "Je n'ai pas adoré 'Un prophète', mais le prochain Jacques Audiard, 'De rouille et d'os' [voir bande-annonce ci-dessus], devrait être intéressant. En tout cas, j'adore les deux acteurs principaux [Matthias Schoenaerts et Marion Cotillard], se rattrape-t-il. Mais il y a aussi Alain Resnais. Voilà deux réalisateurs dont je suis impatient de voir les derniers films." On a quand même vu plus enthousiaste.

 

Glenn Heath Jr. participe à son deuxième Festival de Cannes.

 

Pas chauvin pour un sou, Glenn Heath jr. ne tire aucune satisfaction du retour en force des Etats-Unis dans la sélection :  "Je ne suis pas nécessairement fier des films américains retenus cette année, mais plutôt du retour des films de genre comme "Drive" l'an passé ou "Killing Them Softly" cette année. Le regain d'intérêt pour l'esthétique des années 1970 et 1980 est quelque chose que je trouve génial."

 

"Savoir saisir l'instant"

 

Revenir 20 ou 30 ans en arrière, les photographes accrédités à Cannes n'osent même plus en rêver. Durant cet âge d'or, au moins, "les choses étaient moins encadrées", dixit un ancien qui préfère taire son nom. L'homme en sait-il trop ? S'apprête-t-il à révéler des secrets d'alcôve qu'il est le seul à connaître ? Explications : "Pour parler à la presse, je dois demander l'autorisation à mon employeur, une grande agence de presse internationale. La démarche est longue et pénible. Or, je suis fatigué, je me remets à peine de l'élection présidentielle que je viens de couvrir", se plaint Roland. Car, oui, nous lui avons arbitrairement attribué le prénom Roland.

 

"L'époque où des starlettes posaient à moitié dénudées sur la plage est révolue, semble regretter notre photographe dont c'est le 10e festival. Avant, des gens venaient ici pour se faire remarquer." Reste que, même assagi, Cannes réserve toujours de bonnes surprises. "Cette année, j'ai couvert la guerre en Libye et la politique française, alors le Festival, ça fait du bien. Cannes reste un moment magique dans l’année." Grâce surtout aux Américains, "toujours bien rodés" à l'exercice du "phot-call".

 

Bérénice Béjo sera la maîtresse de la 65e cérémonie d'ouverture du Festival de Cannes.

 

Ses meilleurs clients ?  "Le couple Pitt-Jolie et Sharon Stone, qui dégagent toujours quelque chose. Mais, il n'y a pas que les acteurs américains. Je me souviens une année du footballeur Maradona qui jonglait sur le tapis rouge. La séance photo organisée l'an passé autour d’une piscine avec Bérénice Béjo et Michel Hazanavicius [l'actrice et le réalisateur de 'The Artist'] reste aussi l'un de mes meilleurs moments. Mais il  y a également eu Lars Von Trier que j'ai photographié dans un petit hôtel juste après qu'il soit déclaré persona non grata pour ses déclarations malheureuses sur Hitler. C'était sympa, il posait avec un chapeau de paille."

 

Que peut-on alors souhaiter à Roland pour ce Festival version 2012 ? "De bien savoir saisir l'instant. Les gens croient que nous avons le temps mais tout se passe rapidement." Car, faut pas croire, le lourd programme concocté chaque année par les organisateurs laisse bien peu de temps pour la bronzette. "Nous sommes décontractés la journée mais, dès 17 heures, la machine se met en branle avec les premières montées des marches. Cannes, c'est un marathon de 15 jours."

 

 

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