Cannes, c'est toute une comédie française

 

L’AFP a déjà consacré quatre dépêches au sujet. Depuis trois jours, des trombes d’eau se déversent sur Cannes, centre du monde. Les vendeurs de glaces menacent de mettre la clé sous la porte. Les marchands ambulants de parapluies ont déjà pris rendez-vous chez le concessionnaire Ferrari. Les esprits sont chiffonnés. Les longues attentes sous la pluie commencent sérieusement à éprouver l’humeur des festivaliers. Heureusement, il y a des films. Et de bons, parfois dans lesquels, ô joie, les acteurs français brillent tout particulièrement. Ne craignons pas le chauvinisme.

 

Après 10 ans d'absence sur les écrans, Jean-Louis Trintignant signe un retour remarqué.


Amour à mort


Nous sommes à peine à mi-parcours que la Croisette croit déjà savoir qui pourrait repartir de Cannes avec le prix d'interprétation masculine sous le bras. Trente-trois ans après en avoir été le récipiendaire pour son rôle dans "Z" de Costa-Gavras, le rare Jean-Louis Trintignant fait figure, cette année, de sérieux prétendant à la récompense, raflée, l’an passé, par "The Artist" Jean Dujardin. Une condition toutefois : que le film dans lequel il joue ne remporte pas la Palme d'or.

 

Sublime ode à l’indéfectible passion amoureuse, le bien-nommé "Amour" pourrait en effet valoir, selon nombre de festivaliers, une deuxième distinction à son réalisateur, l’Autrichien Michael Haneke (lauréat en 2009 avec "Le Ruban blanc"). L’acteur français, absent des grands écrans depuis la poussive comédie "Janis et John" (c’était en 2002), y campe un octogénaire soudainement confronté à la lente déliquescence cérébrale de son épouse, interprétée par la légendaire Emmanuelle Riva (on se souvient d’"Hiroshima, mon amour"). Il faut voir ces amants-là se mouvoir d’un pas mal assuré dans leur appartement parisien cossu, décor unique du film. Et les entendre disserter sur Schubert, lire à haute voix les articles du "Monde" ou raconter leurs vieux souvenirs d’enfance.

 

 

 

 


Car plus que des corps fatigués, ces deux monstres sacrés du cinéma français sont des voix sur lesquelles le temps n’a eu que peu d’emprise. Des voix que le cinéaste autrichien exploite à la manière d’un compositeur de musique de chambre. Un numéro de duettistes est en tout point subtil. Sans fausse note.


Belle brochette


Le réalisateur Alain Resnais, lui, a composé pour un orchestre. Jugez-en plutôt la pléthorique distribution de sa nouvelle facétie "Vous n’avez encore rien vu". Allez, on reprend sa respiration : Mathieu Amalric, Pierre Arditi, Sabine Azéma, Anny Duperey, Hippolyte Girardot, Michel Piccoli, Denis Podalydès, Anne Consigny, Lambert Wilson… On sent déjà la fébrilité des photographes au bord du tapis rouge. Et des jurés de la compétition.

 

Anne Consigny, Pierre Arditi et Sabine Azéma reprennent du servie pour Alain Resnais. (crédit : Mehdi Chébil)


Subtilité du film, la grande majorité de ces grands noms du cinéma sont appelés à interpréter leur propre rôle de comédien interprétant eux-mêmes "Eurydice" de Jean Anouilh (vous suivez ?). Théâtre dans le cinéma, cinéma dans le théâtre, cinéma dans le cinéma et spectateurs dans les choux.


Pour résumer, la petite curiosité du doyen de la compétition est un objet intello, mais malin, sur la représentation au cinéma et le statut de comédien. On ne peut que se féliciter qu’à bientôt 90 ans, Alain Resnais ait su conserver toute sa malice, mais l’exercice, très franco-français, confine parfois au ridicule. Oui, on le sait, c’est l’effet recherché, mais Sabine Azéma et Pierre Arditi surjouent un brin. Dans ces cas-là, on ne peut s’empêcher d’avoir une tendre pensée pour les critiques américains, coréens ou polonais (y’en a) qui, au moment de la projection, doivent bien se demander ce qu’ils sont en train de regarder.


Et un, et deux, et trois…


Grande habituée du Festival, où elle a déjà glané deux prix d’interprétation, Isabelle Huppert a monté par deux fois les marches du Palais des Festivals, cette année. Fille du vieux couple du sus-mentionné "Amour", l’actrice française tient le rôle principal de "In Another Country" du Sud-Coréen Hong Sang-soo. Faute de posséder le bon badge, l’auteur de ces lignes n’a pas pu voir la prestation de la comédienne. Selon notre voisin et collègue Jon Frosch,  elle y est "charmante, drôle et décontractée". De là à ce que les jurés lui accordent un troisième prix le 27 mai…

 

 

 

D’autant qu’entre-temps, les Sages auront eu l’occasion d’apprécier Juliette Binoche dans le film très attendu de David Cronenberg, "Cosmopolis", où Mathieu Amalric (le revoilà) fait une apparition. Côté masculin, on nourrit d’énormes espoirs pour Denis Lavant, sublime et physique acteur fétiche de Leos Carax, qui a de nouveau fait appel à lui pour "Holy Motors". On surveille.

 

Au passage, espérons pour Marion Cotillard que son rôle de jeune femme amputée dans "De rouille et d’os" ne soit pas qu’un lointain souvenir. Le film de Jacques Audiard a le désavantage d’avoir été projeté au deuxième jour du Festival. Une éternité.

 

Honteuse confession ?

 

Hors compétition, nombreux était ceux qui attendaient de voir Charlotte Gainsbourg en amante de la turbulente rock-star anglaise Pete Doherty dans la "Confession d’un enfant du siècle" de Sylvie Verheyde. Ce dimanche, l’actrice d’"Antéchrist" et de "Melancholia"  n’était pas présente pour la présentation du film. Mauvais signe, croient savoir les mauvaises langues…

 

Karole Rocher et l'Anglais Pete Doherty, partenaires de Charlotte Gainsbourg, absente de la Croisette... (crédit Mehdi Chébil)

 

Nathalie Baye, elle, n’a pas à rougir, loin de là, de sa démonstration dans "Laurence Anyways", l’audacieuse "love story" du jeune Xavier Dolan, lui aussi dans Un certain regard (lire l’interview en anglais du prodige québécois sur le blog de Jon Frosch). L’actrice y incarne la mère distante d’un Melvil Poupaud bien décidé à vivre en femme. Au risque de mettre son couple en péril. Parlons vrai, on se demande encore pourquoi le panache et le souffle de cette romance transgenre ne lui a pas ouvert les portes de la compétition officielle. C’est donc une certitude, Nathalie Baye et Melvil Poupaud n’iront donc pas chercher de prix sur la scène du Grand Théâtre Lumière.

 

 

 

 

 

A lire également sur RFI :

-"Like Someone in Love", les amoureux qui s'ignorent d'Abbas Kiarostami

-"The Hunt", la perfide chasse à l'homme de Thomas Vinterberg

 

 

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1 Comments
Il ne s'agit pas de Karine Rocher mais de Karole Rocher sur la photo, aux cotés de Pete Doherty!

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